De beaux cadres

Rubrique réalisée avec l’aide de la Région wallonn

De beaux cadres pour de belles colonies

Renouveler régulièrement ses cadres de corps constitue un avantage à tous points de vue : l’hygiène de la ruche s’en trouve améliorée, mais aussi le travail de l’apiculteur car il est bien plus aisé de travailler dans une ruche lorsque les rayons sont réguliers que lorsqu’ils sont déformés. Par ailleurs il est illusoire de penser que l’on économise du miel en limitant la production de cire ! Bâtir freine la fièvre d’essaimage, et celle-ci n’est pas favorable à la production comme on sait.

Renouveler chaque année 20% de ses cadres de corps minimum constitue une bonne pratique dont la mise en œuvre est nécessaire mais pas toujours aisée ; d’autant plus qu’elle prend place dans le cadre la gestion globale de la ruche, gestion qui elle-même a d’autres objectifs : comment combiner tout cela ?

Sortie d’hiver

Le chant des oiseaux, la sortie des premiers perce-neige… tous ces petits indices montrent que la nature se réveille. La reine a très probablement repris sa ponte, au début de manière insensible mais bien vite la chaleur émanant de la grappe nous dira que la colonie a commencé à couver. L’eau de condensation dans la ruche, le premier pollen sur le lange, apportent des indices supplémentaires de reprise de la ponte. Observons-le bien, ce lange: y voyez-vous des particules de cire? Celles-ci apparaissent comme de minuscules cuillères transparentes: elles indiquent que, déjà, vous avez des cirières en chômage… il est temps de faire bâtir et de faire place à la reine.

Qu’ajouter, cire gaufrée ou cadre bâti ? Et où les placer ? Un grand principe conduira le travail: éviter de refroidir le nid. Le contexte sera celui d’une ruche bien isolée – voir l’ActuApi n° 46 à ce propos. Travaillons ensuite sans jamais perdre de vue que le cadre bâti est un élément “chaud” – couvert d’abeilles et constitue donc un bon isolant, tandis que la cire gaufrée est, elle, un élément “froid”: mince et lisse, elle permet à l’air froid de traverser la masse d’abeilles. Une cire gaufrée n’est posée dans une ruche que dans des conditions où elle va être bâtie à coup sûr et mieux, bâtie en 48 heures.

En ruches non divisibles

Le miel doit aller dans la hausse et le couvain dans le corps. Si la miellée commence à donner, et que la reine a abondance de place où pondre, les cires gaufrées placées dans le corps risquent bien d’être utilisées en magasin… les abeilles ne seront pas très motivées à occuper la hausse et le nid à couvain se trouvera vite encombré par les provisions : essaimage en vue ! Il est donc sage de poser la hausse dès que possible (le début de la floraison du cerisier est un bon repère). Il est tôt ? Il fait frais ? Pas de problème : une feuille de plastique alimentaire tendue en travers du corps, laissant libre les rives, évite le refroidissement du nid tout en permettant aux abeilles d’occuper la hausse.

Mais d’abord, on ajustera le corps aux besoins de la colonie. Certaines ruelles ne sont pas occupées ? Les cadres latéraux ne sont pas bien couverts d’abeilles ? Il faut alors retirer une partie des cadres ; si ceux-ci sont pleins de provisions, ils seront conservés soigneusement, au congélateur de préférence : voilà déjà de quoi munir nos futures ruchettes. Toutes les ruelles débordent d’abeilles ? Le haut des cadres est gonflé de cires fraîches, des amorces de bâtisses garnissent le couvre-cadres ? La ruche déborde: il est grand temps de placer une, voire deux cires gaufrées en bordure du nid. Enfin, si le corps paraît parfaitement adapté à la colonie, on place la hausse sans toucher au nid à ce stade.

Rappelons qu’en début de saison, on ne coupera jamais le nid par une ou des cires gaufrées: le refroidissement du couvain écourte la vie des abeilles et l’on risque, en outre, l’abandon par la reine d’une partie du nid et sa transformation en magasin, avec les inconvénients dits plus haut. La première cire gaufrée se place en bordure du nid à couvain, entre celui-ci et le premier cadre de provisions, généralement couvert de pollen. Pas besoin de déranger le nid à ce stade: un coup d’œil depuis la rive permet de voir où se trouve le début du couvain. On glisse la cire juste en deçà, puis on pose la hausse, dont le nombre de cadres peut d’ailleurs être différent du nombre de cadres présents dans la ruche; cela importe peu.

Dès que la hausse est occupée on pourra agrandir le nid au fur et à mesure des besoins sans craindre les inconvénients dits plus haut. Attention! Quelques abeilles traînant dans la hausse ne signifient pas que celle-ci est occupée… il faut pour cela que les premières cires commencent d’être bâties, et qu’un peu de miel brille déjà dans le fond des cellules. Certains ne placent d’ailleurs qu’à ce moment la grille à reines, qui sinon décourage parfois les abeilles de monter.

Le restant de la gestion des cadres prend place bien plus loin dans la saison. Après le solstice d’été, la ponte commence à diminuer, ce qui va peu à peu libérer des cadres. On profitera alors d’une visite complète de la ruche pour placer latéralement les cadres les plus noirs et les plus mal bâtis, même si ils portent encore du couvain operculé ; les températures clémentes de l’été nous le permettent alors. Ces cadres seront marqués et pourront être retirés lors de la pose des partitions, lorsqu’on ajustera le nombre des cadres aux besoins de la colonie mise à l’hivernage. Ils seront remplacés au printemps par les cires gaufrées ou cadres bâtis propres. Ainsi la boucle est-elle bouclée, et la rotation des cadres assurée.

En ruches divisibles

En divisible le problème est différent. Les hausses d’une année fournissent provision de cadres bâtis propres pour l’année suivante. Le problème est d’éviter que des cadres qui ont servi en corps ne soient mis ultérieurement dans les hausses, car ces cadres ont été exposés au nourrissement et au produit de traitement de la varroase, de sorte qu’ils ne conviennent plus à la récolte. Le principe est donc que les cadres descendent dans la ruche mais n’y montent jamais.

Les ruches sont hivernées sur deux corps. Au début du printemps, la grappe, qui a tendance à monter, occupe le corps du dessus est c’est là que se développe le premier couvain. Dès les premiers beaux jours (fin février, début-mars), on nettoie le plateau, on y place le corps du dessus et on retire celui du dessous, qui est refondu. Lorsque la grappe a un développement suffisant (toutes les ruelles sont occupées; des cires nouvelles apparaissent sur le couvre-cadres… cf. ci-dessus), un second corps est placé au-dessus du premier.

Que placer dans ce second corps? Cela dépend du type de gestion que l’on entend pratiquer.

Classiquement: on sort deux cadres de couvain du corps du bas; on resserre le nid, on le flanque de deux cires gaufrées, ou cadres bâtis si il fait froid ou que la ruche est moins développée. On place, dans le corps du dessus: les deux cadres de couvain au milieu, puis un cadre bâti de chaque côté, puis on complète avec des cires gaufrées et des cadres bâtis – ceux-ci sont utiles en rive notamment, où les abeilles ont moins tendance à construire. Plus la ruche est forte, plus la proportion de cires gaufrées peut être élevée; seule une ruche qui “explose” littéralement recevra des cires gaufrées en bordure des deux cadres de couvain, car ceux-ci, on l’aura compris, sont en grand danger d’être refroidis, et les cires devront être construites dans les 24 heures pour éviter ce problème. Attention de ne pas alterner les cadres bâtis et les cires gaufrée, sans quoi les abeilles vont allonger démesurément les cellules des cadres bâtis au détriment des cadres de cire gaufrée, rendant l’enlèvement des cadres difficile. Dans une gestion plus extensive, certains n’hésitent pas à poser tout un corps de cires gaufrées (cadres bâtis en rive toutefois, autant que possible) sur le corps du bas, sans autre forme de procès; méthode rapide, qui augmente le risque de refroidissement de la colonie mais qui laisse plus de temps aux cirières pour bâtir. L’alternative est de mettre un deuxième corps entièrement bâti et un troisième corps avec des cires gaufrée. Ce dernier risque alors de ne pas être bâti si le temps est moins bon, et le miel sera stocké dans le deuxième corps autour du couvain, rendant la récolte problématique.

La récolte ne se fera que dans les hausses, c’est à dire dans un troisième ou quatrième corps au-dessus des deux premiers, par-dessus la grille à reines.

A l’automne, tous les cadres à remplacer sont ramenés dans le corps du bas, ils seront éliminés au printemps suivant.

Les divisibles peuvent aussi être gérées en utilisant en hausse des cadres ½ corps. On peut alors, plutôt que de conduire la ruche sur deux corps, poser le corps sur une hausse de plancher. Cette hausse est conservée l’hiver ; elle est remplacée, en tout ou en partie, dès que nécessaire, par des cadres issus des hausses des années précédentes. Les cires des corps sont renouvelées comme dans les ruches non divisibles.

Toujours conseillé, le cadre à mâles…

Aux éleveurs le cadre à mâles fournit les géniteurs issus des colonies sélectionnées à cette fin; aux autres, les plus nombreux, il permet de constituer un piège à varroas. Vous n’élevez pas, et n’avez pas de cire dévolue à cette fin? Voici un truc: dès qu’une première génération de mâles est operculée – vous les laisserez éclore – , placez un cadre de hausses dans le corps ; il sera très vite complété par de la bâtisse mâle que la reine s’empressera de pondre. Dix jours après la ponte, on récolte le ½ cadre peuplé de nymphes de mâles – un coup de couteau à la base du cadre et l’affaire est faite. On peut alors ouvrir une centaine de cellules et compter les varroas, ce qui donne une bonne idée du niveau d’infestation. Si celle-ci est forte, on peut y remédier partiellement en divisant la colonie (couvain ouvert d’un côté, fermé de l’autre), en laissant essaimer (il faut rattraper l’essaim !), ou en renouvelant une ou deux fois le piège. Sinon, une nouvelle cire gaufrée prend la place de ce cadre dont la moitié supérieure est replacé dans la hausse.

Ce cadre à mâles – piège à varroas sera placé lui aussi en bordure du nid; si la colonie est forte, il peut être placé au-delà d’un cadre bâti, par rapport au couvain: motivée à élever ses mâles, la colonie étirera jusque là le nid à couvain, prévenant ainsi l’essaimage.

Conclusion

Introduire à bon escient cires et cadres bâtis de la ruche est un travail qui peut sembler banal mais n’a rien d’anodin : il s’agit d’acquérir la capacité à adapter le volume de la ruche à la colonie, en tenant compte des spécificités de l’année en cours, ce qui constitue la base de toute bonne gestion apicole. La pose d’une cire détermine en outre l’évolution future de la colonie : si elle est bâtie et pondue rapidement, comme ce doit être le cas, il faut s’attendre à disposer de nombreuses butineuses environ 40 jours plus tard. Si à ce moment survient une période de mauvais temps, un grand nombre d’abeilles se trouveront confinées : gare à l’essaimage ! Notez donc QUAND vous avez fait QUOI dans vos ruches : en apiculture, comme dans d’autres domaines, gouverner c’est prévoir !

Remerciements

Merci à José Artus, Jean-Paul Demonceau et Szaniszlo Szöke, pour l’aide substantielle apportée à la rédaction de cet article.

 

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Préparation des cadres

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Un cadre plus court mis dans le corps au bon moment sera complété par de la bâtisse mâle, formant ainsi un piège à varroas.

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Des écailles de cire (taille réelle : environ 1mm) sur le plateau indique que des cirières sont au travail dans la colonie